Managers : votre évolution provient de votre capacité d’étonnement

Dans une société où les chiffres livrés par l’actualité mondiale ne trouvent plus de réelle signification, où le rythme des événements qui se succèdent interdit toute introspection et où nous sommes désormais dépendants d’une technologie ultra-facilitante, comment ressusciter l’indispensable part d’étonnement à l’origine de nos apprentissages d’enfance ?
Les conventions sociales, notamment dans l’univers de l’entreprise où il faut se montrer sans faille, marginalisent une expression de l’étonnement perçue comme naïve. Or, il semblerait bien que la nécessité ne soit pas à l’origine de nos évolutions, mais bien à la capacité d’étonnement.

Un processus indispensable à la production des petites et grandes questions
Par souci d’apparence, l’étonnement s’est peu à peu retiré du champ théorique de l’apprentissage et de l’éducation permanente. Pourtant, en sciences humaines, on sait que si la question appelle la connaissance, c’est l’étonnement qui appelle la question.
Étonnement n’est pas surprise. Cette dernière induit la passivité du sujet alors que la première implique la reprise d’initiative et de contrôle de l’événement. L’étonnement est le réel fondement de la philosophie, qui interroge l’humanité sur elle-même et sur les réponses qu’elle apporte à ses mystères.

L’étonnement, c’est l’intelligence par les chemins de traverse
Libérant la curiosité et « l’étrangéification du réel », il laisse libre cours à l’esprit, hors des « allant de soi » sclérosants et des idées reçues. Dans la vie privée comme au sein de l’entreprise, l’étonnement est un processus d’initiation de la pensée qui annihile les coutumes et permet de dépasser les croyances. Il traduit un élargissement de l’espace de réflexion dans lequel se construit l’activité. En d’autres termes, l’étonnement implique une prise de distance avec le monde et une reconfiguration des habitudes routinières.

Une démarche préalable au souhait d’explorer de nouveaux modèles
En philosophie, la démarche d’étonnement préside à toute dynamique de pensée et d’amélioration de la connaissance. Pour nous, professionnels enfermés dans des processus bien ancrés, l’innovation ne peut provenir du démontage de ce qui a été patiemment élaboré, mais de la prédisposition de curiosité face à des idées ou des pratiques qui ne nous sont pas familières. C’est un acte délibéré, créatif, oxygénant.
Platon l’a évoqué dans son célèbre « connais-toi toi-même » : « J’ai une qualité merveilleuse, qui me sauve, c’est que je ne rougis pas d’apprendre, je m’informe, je questionne et je sais beaucoup de gré à ceux qui me répondent ».
C’est donc bien à travers l’étonnement que la pensée se met en marche, qu’elle féconde le nouveau. En permettant de rompre avec le sens commun, il donne accès à une vision débarrassée de toutes les scories du quotidien.

Comment retrouver sa capacité d’étonnement ?
L’étonnement se distingue des émotions ou des affects par le fait qu’il intègre le spectre de la construction du sens. Il consiste à prendre pour point de départ les moments d’inattendu et de « déconcertation » pour devenir un « ouvreur de pensée ». De là, il donne l’appétit nécessaire pour se lancer dans la découverte de l’inconnu, dans une dynamique réflexive libérée des points de repère et de la crainte d’être jugé.
André Gide l’a dit : « Ne crains pas d’étonner ni de déplaire ; mais ne cherche jamais à étonner ou à déplaire ».
L’étonnement, ce retour vers le futur par le fait qu’il nous projette dans l’avenir en recourant à la naturelle curiosité de l’enfance, est à la portée de tous !

Thierry Ungaro
CEO Ad Valoris

Vous vous intéressez au sujet : De l’étonnement à l’apprentissage, de Joris Thiévenaz – Éditions Deboeck