La courbe du deuil et la résistance au changement
Contrairement aux idées reçues, l’individu ne redoute pas le changement en tant que tel. Dans le contexte de l’entreprise, il va plutôt craindre l’inconnu ou encore la sensation de perte de contrôle perçus avec les transformations. Ces réactions provoquent le doute, l’angoisse, voire de la résistance de la part du / de la collaborateur.trice. Elles sont néanmoins naturelles et font partie de plusieurs phases à traverser pour accepter la nouvelle situation et ainsi retrouver le calme. Des expert.e.s proposent des analyses et des outils pour développer le rôle et les compétences du manager dans le changement. Pour commencer, il existe trois grandes catégories de préoccupation à savoir déceler.
Principales peurs liées au changement en entreprise
- « Je ne serai plus reconnu – quelle sera ma place ?» – Préoccupations centrées sur soi.
- « Mon savoir-faire, mes connaissances ne seront plus adaptées » – Préoccupations centrées sur les compétences de l’individu.
- « Le monde sera différent à mes yeux. Ma grille de lecture du monde ne sera pas adéquate, serai-je capable de m’adapter ? » – Préoccupations centrées sur l’entreprise.
Des peurs en partie expliquées par la biologie
L’Homme crée des habitudes pour éviter de devoir prendre l’ensemble de ses décisions quotidiennes consciemment. En effet, c’est un processus naturel et primordial qui lui permet de capitaliser sur ses expériences. Or, quand l’environnement nécessite de modifier ces comportements, des habitudes profondément ancrées sont bouleversées. Deux réactions apparaissent alors :
Le stress comme réaction naturelle
Un changement est très souvent source de stress. Il s’agit d’une réaction physiologique naturelle à une modification de l’environnement. L’incertitude qui accompagne cette situation nouvelle peut générer un sentiment d’anxiété et d’inquiétude chez les collaborateurs.trices.
Une erreur de jugement, aussi appelée biais cognitif
Notre cerveau est plus sensible au négatif qu’au positif. Un changement en entreprise entrainera bien souvent des gains comme des pertes. Or les pertes seront ressenties plus fortement que les gains. Les collaborateurs.trices vont donc avoir tendance à davantage percevoir les contraintes liées au changement et à se sentir perdants. Les mobilisations observées lors des transformations se manifestent donc souvent sous la forme de critiques, de résistances, voire de franche opposition.
Pour adhérer au changement et dépasser ces réactions instinctives, le.a collaborateur.trice doit faire le deuil de ce qui existait auparavant. Un deuil est considéré comme un processus nécessaire permettant de mener à la résilience. Il se compose de plusieurs étapes.
La courbe du deuil ou encore la courbe du changement
En cas de changement majeur, chaque personne traverse donc une série d’étapes émotionnelles. Ce processus a été formalisé par Elisabeth Kübler Ross, une psychiatre américano-suisse. Elle prend une forme de courbe, avec des phases par lesquelles l’individu passe obligatoirement :
La courbe du deuil :
Cette courbe du deuil, ou courbe du changement, n’est pas un processus linéaire. En fonction de l’individu, chacune de ces phases peut être plus ou moins longue. Le passage par les différents stades (associés à des émotions comme le déni, la colère, la peur, la tristesse) est une étape naturelle pour permettre de faire le deuil du passé, et de s’ouvrir à quelque chose de nouveau. Cependant, si un.e collaborateur.trice reste « bloqué.e » dans une certaine phase de la courbe, une attitude plus ou moins marquée d’opposition pourrait se manifester.
Les 7 phases de préoccupation de Bareil : la courbe du deuil appliquée à l’entreprise
Céline Bareil, Professeure et Chercheuse à HEC Montréal, a repris les travaux effectués au sujet de la courbe du deuil pour les appliquer au contexte spécifique de transformations en entreprise. Sa théorie nous amène à nuancer le concept de « résistance au changement » à travers son modèle des 7 phases de préoccupations.
Selon elle, les changements entrainent un certain nombre de préoccupations, dont la nature dépend de la phase où se situe l’individu. Seul un accompagnement adapté à cette phase de préoccupation permettra aux collaborateurs.trices de se projeter sereinement dans le futur. Par exemple, si le collaborateur.trice est dans une phase où son besoin est d’extérioriser ses craintes, il sera inutile, voir contre-productif, de lui lister l’ensemble des avantages du projet en cours. Il aura besoin d’être écouté avec empathie. En revanche, si son besoin est de comprendre les raisons qui pousse l’organisation à faire ce projet, une simple écoute de ses questionnements pourra générer frustration et colère. En conclusion, il n’est pas aisé pour les managers d’identifier le besoin réel de la personne qui se cache derrière les craintes qu’elle partage.
C’est là que le rôle du manager de proximité et du spécialiste en accompagnement du changement prend tout son sens. En effet, les conséquences d’une mauvaise prise en charge peuvent se révéler catastrophiques pour l’organisation.
En réalité, les résistances observées résulteraient de préoccupations non traitées. Il est donc essentiel pour les entreprises de comprendre dans quelle phase se situent les collaborateurs.trices afin d’adapter le discours et les actions proposées.
- Quand activer l’écoute empathique ?
- Comment voulons-nous informer ?
- Quelles modalités d’implication choisir ?
En résumé, toute transformation entraine au départ de fortes réactions chez les individus qui passent ensuite par des phases inévitables et semblables à celles du deuil. Pour faciliter la transition, il est donc primordial d’accompagner au maximum les collaborateurs.trices. Cet accompagnement les aide à traverser ces phases de la meilleure des manières pour atteindre rapidement l’acceptation et l’efficience dans leur travail.
Ces éléments nous plongent dans toute la complexité du métier de manager. Dans le changement, son rôle et ses compétences managériales sont particulièrement mises à l’épreuve, mais c’est aussi pour lui un moment décisif afin d’évoluer et de se développer.
