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Ad Valoris s’entretient avec Philippe Metzger, Secrétaire général et CEO de l’IEC

En quelques mots

Interview exclusive avec l'IEC, organisation de normalisation technique basée à Genève.

Jeune avocat, tout semblait destiner Philippe Metzger au barreau ou aux couloirs feutrés de l’administration bernoise. Mais déjà soufflait sur son horizon le vent du grand large. Parmi ses premiers ports d’attache : Bruxelles. Muni d’un postgrade, il y met son expertise juridique au service de l’AELE, œuvrant pendant six ans à la négociation des accords de libre-échange entre ses États membres.

Suivront la direction de l’Office fédéral de la communication (OFCOM) en 2014, puis celle de l’IEC, où il sillonne aujourd’hui la planète pour offrir à l’humanité une grammaire technique commune. Rencontre avec un dirigeant dont la vivacité et la finesse d’esprit trouvent leur pleine mesure dans la recherche du bien commun.

Ad Valoris : Philippe, votre parcours vous a très vite conduit à de hautes fonctions managériales. Le leadership ne s’apprend pas sur les bancs d’une faculté de droit : comment l’avez-vous cultivé ?

J’ai été officier dans l’armée suisse dès l’âge de 20 ans. On y apprend ce qu’est un leadership naturel, celui dont dépend la capacité à fédérer des équipes conscientes de leurs responsabilités. J’y ai appris à motiver et encadrer des jeunes pas toujours convaincus de ce qu’ils faisaient ! Le management, pour moi, n’est jamais une fin en soi. Il s’impose naturellement lorsqu’une mission exige un collège de compétences. J’ai eu la chance, à chaque étape de mon parcours – à l’AELE, à l’OFCOM, et à l’IEC – de diriger des équipes d’une grande qualité.

Et votre fil d’Ariane, en matière de leadership ?

Emmener l’équipe avec soi. Convaincre par le raisonnement, mais aussi par l’exemple. Savoir prendre des décisions justes, réagir vite, et cultiver l’unité du groupe. J’aime me positionner clairement, même si cela comporte un risque. Car dans les hautes fonctions, les marges de manœuvre sont étroites, et chaque choix produit des effets qu’il faut savoir maîtriser.

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Comment définiriez-vous votre style de leadership ?

Il est fondé sur la confiance. À mon arrivée à l’IEC, j’ai lancé une revue de gouvernance et restructuré nos processus internes. Il fallait sortir des silos et offrir une large autonomie aux directeurs. Quand j’étais jeune responsable, j’étais plus dans le contrôle. Aujourd’hui, je recherche davantage ce que j’appelle le « flow ». Cela ne se décrète pas, cela se construit. Et c’est ce qui me motive chaque jour.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans la mission de l’IEC ?

Son ancrage dans le bien commun. L’IEC n’a pas d’objectif financier : elle sert des parties prenantes très diverses, dans une logique d’intérêt collectif. Cette dimension m’a immédiatement convaincu.

L’IEC est-elle à l’abri des influences politiques ?

L’IEC est une organisation apolitique. Nos membres ne sont pas les gouvernements, mais des représentants du secteur électrotechnique dans chaque pays. Parfois, ces structures sont hébergées par un ministère, mais elles restent indépendantes des gouvernements. Il est fondamental pour nous de rester à l’écart des enjeux politiques. Ma carrière dans le commerce international m’a sensibilisé à l’interdépendance : elle est bénéfique, à condition d’être bien encadrée.

Quels sont les grands projets que vous portez aujourd’hui pour faire face aux défis d’une société connectée et durable ?

La fragmentation des normes est un frein à la circulation des technologies. Nous travaillons à les harmoniser pour accompagner la transition vers une société connectée, alimentée par des énergies renouvelables. Un exemple clé : les réseaux intelligents de production et de distribution d’électricité. Ces réseaux doivent intégrer les énergies renouvelables tout en maintenant la stabilité. C’est un défi technologique complexe. Nous travaillons aussi sur des normes de cybersécurité, notamment pour l’automatisation industrielle, ainsi que sur la gouvernance des systèmes d’intelligence artificielle.

Certaines de ces avancées supposent une collaboration étroite avec le secteur privé.
Peut-on vraiment compter sur les entreprises pour faire avancer le bien commun ?

Les entreprises sont souvent le creuset de l’innovation et des prises de conscience. L’IEC est une organisation à but non lucratif fondée en 1906. Elle rassemble des acteurs publics et privés, unis par un objectif commun. Certes, les entreprises ont des intérêts commerciaux, mais c’est légitime. Nos processus sont transparents, équitables, et reconnus par l’OMC. La concurrence stimule l’innovation — l’histoire des télécoms en est la preuve. Nous offrons une plateforme pour co-définir des normes éthiques et utiles, qui structurent ensuite les marchés.

Avec quel type de produits, par exemple ?

La standardisation des chargeurs USB-C est un exemple très concret. D’autres normes développées avec nos partenaires ISO et UIT se traduisent dans le quotidien : JPEG, MPEG – pour lesquelles nous avons d’ailleurs reçu des Emmy Awards. Nous élaborons aussi des normes de cybersécurité et pour les systèmes d’intelligence artificielle. Sans oublier nos standards pour les réseaux intelligents, l’énergie solaire, éolienne, hydraulique ou la fibre optique.

Votre coopération avec l’ISO est donc essentielle ?

Absolument. La coopération est l’un de nos piliers stratégiques. L’IEC et l’ISO sont deux organisations indépendantes, mais nous développons ensemble plusieurs programmes, notamment sur la numérisation des normes. Nous collaborons aussi avec l’UIT et IRENA, l’agence internationale pour les énergies renouvelables. Aucune organisation ne peut tout faire seule.

L’IEC accélère-t-elle ce qu’on appelle le progrès ?

Oui, car nos normes facilitent la compatibilité technologique, la diffusion du savoir-faire, l’accès aux marchés — donc aussi l’investissement. Une norme reconnue mondialement, c’est un gage de stabilité pour les investisseurs. Nous structurons l’innovation et en accélérons la diffusion, au bénéfice de tous.

Votre présence est donc mondiale ?

Nous avons cinq centres régionaux — Sydney, Singapour, Nairobi, São Paulo et Boston — et notre secrétariat général est à Genève. Ces petites équipes régionales sont précieuses pour rester connectés aux réalités locales.

Avec l’émergence des BRICS, craignez-vous une fragmentation des systèmes ?

C’est ce que nous cherchons à éviter. L’IEC doit rester une plateforme mondiale, indépendante des tensions géopolitiques. Nos normes peuvent bien sûr être adaptées localement, mais nous tenons à préserver un socle commun, même en temps de crise. Jusqu’à présent, notre mission a été épargnée par ces tensions.

La production de normes ralentit-elle dans un monde instable ?

Non, elle s’accélère. L’intelligence artificielle, par exemple, exige de nouvelles normes. Mais attention : nous ne sommes pas une autorité morale. Notre rôle est de fournir une base fiable, transparente, parfois enrichie de règles éthiques. Nous travaillons avec l’ISO et l’UIT sur la traçabilité, l’authenticité des contenus, la certification. Ces travaux visent à restaurer la confiance. Une grande conférence sur ce sujet aura lieu début décembre à Séoul : le International AI Standards Summit. Ce sera un moment fort, en lien avec le Global Digital Compact porté par l’ONU.

Comment structurez-vous tout votre vaste savoir ?

Année après année, 30 000 experts contribuent à l’IEC. Notre système d’information organise tout ce contenu technique de manière transversale, en transparence. Nous travaillons en temps réel via notre plateforme OSD (Online Standards Development), commune avec l’ISO. Tous les nouveaux projets y sont centralisés, ce qui améliore l’accès, l’inclusion et l’efficacité. Aujourd’hui, les utilisateurs attendent des normes intelligentes, intégrables directement dans les systèmes. C’est le projet Smart Standards que nous développons avec l’ISO.

Comment financez-vous votre activité ?

À travers des contributions de nos Membres et des Systèmes d’évaluation de conformité. Et nous commercialisons nos normes pour co-financer notre fonctionnement, sans but lucratif. Nos excédents sont réinvestis, notamment dans la transformation numérique.

Et si vous aviez une baguette magique ?

Je l’utiliserais pour rendre possible une société « all-electric and connected ». Aujourd’hui, des centaines de millions de personnes n’ont pas accès à une électricité sûre. Si je pouvais, je rendrais ce modèle accessible partout. Non pour créer une dépendance, mais pour faciliter un développement harmonieux du monde.

 

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« Nous structurons l’innovation et en accélérons la diffusion, au bénéfice de tous. »

 

Philippe Metzger – Secrétaire général et CEO de l’IEC (International Electronical Commission).

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