Dans le théâtre organisationnel contemporain se joue quotidiennement une pièce silencieuse mais destructrice : celle des territorialités invisibles. Ces frontières immatérielles, érigées entre services et départements, dessinent une cartographie de l’isolement qui fragmente l’entreprise en micro-royaumes jalousement gardés.
La territorialité en entreprise n’est pas simplement un dysfonctionnement structurel. Elle révèle une dimension profondément existentielle de notre rapport au travail : ce besoin viscéral de créer des espaces d’identification, de contrôle et de reconnaissance. Chaque silo devient ainsi un refuge identitaire où l’expertise se transforme parfois en forteresse.
L’illusion du territoire maîtrisé
Cette inclination à défendre son périmètre procède d’une quête légitime de sens et d’appartenance. Pourtant, elle engendre un paradoxe saisissant : en protégeant nos territoires, nous appauvrissons l’écosystème qui les nourrit. La compétition entre services cristallise une vision fragmentée où chaque victoire départementale peut constituer une défaite collective.
L’organisation devient alors un archipel d’excellences isolées plutôt qu’un continent d’intelligence partagée.
La transversalité comme philosophie d’action
Transcender cette territorialité impose une révolution copernicienne dans notre conception de l’organisation : passer d’une logique d’appartenance verticale à une dynamique de contribution horizontale. La transversalité n’est pas qu’une méthode de travail – elle incarne une philosophie relationnelle où l’interdépendance et les tensions qui vont avec deviennent source de créativité et d’innovation.
Cette métamorphose repose sur trois piliers fondamentaux :
- La perméabilité des savoirs : accepter que l’expertise se nourrisse des regards croisés et des confrontations fécondes
- L’humilité collaborative : reconnaître que notre vision, aussi experte soit-elle, demeure partielle et susceptible d’être enrichie
- La confiance systémique : croire profondément que l’intelligence collective transcende la somme des intelligences individuelles.
Cultiver l’interconnexion fertile
Décloisonner l’organisation ne signifie pas abolir les expertises mais créer des passerelles entre elles. C’est dans cette porosité maîtrisée que réside le génie collectif – cette capacité à tisser des liens inattendus entre des univers professionnels apparemment étrangers. Le leadership contemporain se définit précisément par cette aptitude à orchestrer l’interconnexion, à valoriser les contributions transversales et à célébrer les pollinisations croisées. Les meilleurs dirigeants ne sont plus ceux qui gouvernent des territoires, mais ceux qui créent des écosystèmes où chacun peut déployer son potentiel au service d’une vision partagée.
L’alchimie des tensions créatives
Dépasser les silos invite à embrasser une écologie organisationnelle où les tensions entre expertises divergentes deviennent le terreau fertile d’une créativité renouvelée. Comme l’a brillamment conceptualisé Teresa Amabile, l’innovation émerge précisément à l’intersection des contraintes et des libertés, dans cette zone féconde où la maîtrise technique rencontre la motivation intrinsèque et la pensée divergente. Les organisations qui savent orchestrer délibérément ces frictions constructives, transforment les différences en catalyseurs d’idées plutôt qu’en sources de conflits stériles.
Vers une organisation métamorphique
L’avenir appartient aux entreprises qui sauront cultiver ce que Teresa Amabile nomme « l’environnement créatif » – cet écosystème où les tensions interdépartementales sont reconnues, valorisées et canalisées vers l’innovation collective. Dans ce paradigme, la collaboration transversale devient l’art subtil d’harmoniser des perspectives contradictoires pour en extraire une symphonie d’idées nouvelles. N’oublions pas cette vérité fondamentale : nos organisations ne sont pas des territoires figés à défendre, mais des organismes vivants qui se régénèrent précisément dans la dynamique créative de leurs tensions internes, savamment orchestrées au service d’une vision partagée et inspirante.
Thierry Ungaro
Directeur Général


« Décloisonner l’organisation ne signifie pas abolir les expertises mais créer des passerelles entre elles. C’est dans cette porosité maîtrisée que réside le génie collectif «
Thierry Ungaro
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