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Approches et démarches

Innover par la participation : administrations publiques, osez le décloisonnement

En quelques mots

Découvrez comment le décloisonnement et la participation active peuvent transformer les administrations publiques.

Et si les administrations trouvaient leurs meilleures idées non pas dans les bureaux des décideurs, mais sur le terrain – au contact des usagers et aux côtés des collaborateurs qui font vivre les politiques publiques au quotidien ?

Dans les communes et cantons suisses, une nouvelle manière de faire de l’action publique émerge. Elle s’appuie sur deux leviers puissants : le décloisonnement organisationnel et la participation active, tant des citoyens que des employés. Résultat : des prestations plus pertinentes, une meilleure adhésion, et une administration qui gagne en agilité organisationnelle et en innovation managériale.

Pourtant, cette transformation vers une culture participative se heurte encore à des résistances structurelles et culturelles. Comment identifier ces freins et quelles solutions concrètes peuvent être mises en place pour les surmonter dans une démarche de modernisation de l’administration publique ?

Le décloisonnement, fondement d’une approche systémique

Les enjeux publics actuels – mobilités durables, cohésion sociale, transition numérique, adaptation climatique – sont systémiques. Ils ne peuvent pas être résolus par un seul service, une seule autorité ou une seule expertise. Pourtant, nombre d’organisations publiques restent structurées en silos, avec des procédures rigides et des zones de responsabilité bien définies… mais peu poreuses.

Décloisonner, c’est permettre aux services de collaborer au-delà des périmètres classiques. C’est aussi reconnaître que les problèmes du quotidien (et leurs solutions) ne s’arrêtent pas aux frontières d’un organigramme. Cela implique d’encourager les transversalités internes et de créer des espaces de dialogue avec l’extérieur, pour favoriser la coopération interservices et la mutualisation des compétences dans les collectivités publiques.

La participation comme méthode d’intelligence collective

Impliquer les usagers et les employés n’est pas une coquetterie démocratique : c’est une méthode d’intelligence collective qui permet de mieux comprendre les besoins réels, d’identifier les irritants, d’imaginer des solutions nouvelles… et d’éviter des réformes mal calibrées.

Prenons la ville de Lausanne et son budget participatif lancé en 2019. Face aux défis d’allocation des ressources municipales, elle a choisi de consacrer 100 000 à 200 000 (francs par année) à des projets proposés et choisis directement par les habitants. Le processus se déroule en plusieurs phases structurées : dépôt des idées par les citoyens, analyse de faisabilité par les services municipaux, puis vote public pour sélectionner les projets lauréats.

En 2023, ce sont 45 projets qui ont été soumis et 13 projets lauréats qui ont été soutenus. Les fonctionnaires municipaux sont impliqués à toutes les étapes, apportant leur expertise technique pour évaluer la faisabilité des propositions. Le résultat est double : des projets concrets qui répondent aux besoins exprimés par les habitants et un renforcement du lien entre l’administration et les citoyens. Cette démarche s’inscrit dans une stratégie de co-construction des politiques publiques et de gouvernance participative territoriale.

Valoriser les savoirs du terrain

Les employés des administrations publiques sont les premiers capteurs des besoins sociaux. Trop souvent, leurs idées restent informelles ou ne trouvent pas d’espace pour être entendues et expérimentées.

De nombreuses communes ont déjà lancé des initiatives en ce sens. Ainsi, à Genève, le programme “GE-Innove” lancé en 2016 permet aux collaborateurs de l’administration cantonale de proposer des idées innovantes pour améliorer les services publics. En 2019, ce programme avait déjà recueilli plus de 200 propositions, dont certaines ont été mises en œuvre, comme le développement d’une application mobile pour faciliter l’accès aux prestations sociales. Ce type de dispositif favorise la culture du faire ensemble et la reconnaissance de l’expertise terrain.

Deux leviers puissants : le décloisonnement organisationnel et la participation active

Des outils concrets pour une culture du faire ensemble

Co-construire, cela ne s’improvise pas. Mais des méthodes existent, désormais bien rodées dans le secteur public :

  • Ateliers collaboratifs : des espaces de dialogue structurés, où citoyens et professionnels peuvent produire des solutions concrètes (ex. plan de mobilité, réaménagement d’un espace public, simplification administrative). Ces formats s’intègrent dans une logique de concertation locale renforcée.
  • Laboratoires d’innovation publique : des dispositifs visant à transformer les pratiques administratives en intégrant des méthodes telles que le design thinking, le prototypage rapide et l’intelligence collective. C’est le cas, par exemple, du Genève Lab qui favorise la co-construction de services publics avec les usagers et les parties prenantes externes. Il met l’accent sur la transition numérique et l’innovation ouverte, en impliquant citoyens, entreprises, chercheurs et agents publics dans la conception de solutions adaptées aux besoins réels des usagers.

Les freins à la culture participative : diagnostic et solutions

Malgré ces exemples encourageants, le passage à une véritable culture participative se heurte encore à des obstacles significatifs. Examinons ces freins et les leviers concrets pour les surmonter.

La structure hiérarchique traditionnelle

Les administrations publiques suisses restent largement organisées selon des modèles hiérarchiques descendants. Des solutions sont possibles pour faire évoluer les pratiques :

  • Créer des espaces de dialogue transverses : instaurer des forums réguliers où les collaborateurs de différents niveaux hiérarchiques peuvent échanger librement sur les pratiques et les améliorations potentielles.
  • Expérimenter le “reverse mentoring” : programme où des employés de première ligne accompagnent des cadres supérieurs pour partager leur connaissance du terrain.
  • Développer des boîtes à idées : plateformes permettant aux agents de soumettre des propositions d’amélioration qui sont ensuite évaluées collectivement. Ces outils soutiennent l’innovation ascendante dans le service public.

La culture du risque zéro

L’administration publique évolue traditionnellement dans une culture d’évitement des risques, où l’erreur est perçue comme une faute plutôt qu’une opportunité d’apprentissage. Dans la pratique, il est possible d’encourager le développement d’une culture du droit à l’erreur :

  • Créer des fonds d’expérimentation : budgets dédiés aux projets pilotes avec une logique d’acceptation de l’échec comme source d’apprentissage.
  • Former à la gestion positive de l’erreur : programmes de formation pour les cadres et agents visant à dédramatiser l’erreur et à valoriser l’apprentissage collectif. Différentes communes dans le canton de Genève ont déjà formé leurs cadres à cette approche.
  • Instituer des retours d’expérience systématiques : sessions de partage structurées où les succès comme les échecs sont analysés collectivement.

Le cloisonnement des expertises et compétences

L’hyperspécialisation des services administratifs crée des barrières à la collaboration transverse. Bien souvent, les collaborateurs n’ont pas connaissance du travail réalisé par leurs collègues dans d’autres services. Des actions simples permettent de développer la connaissance transversale des services :

  • Déployer des immersions croisées : programmes d’échange temporaire entre services permettant aux agents de comprendre les réalités de leurs collègues (“vis-ma-vie”). La ville de Carouge dans le canton de Genève organise régulièrement des lunchs thématiques interservices.
  • Cartographier les compétences transversales : créer des bases de données internes recensant les compétences spécifiques des agents, au-delà de leur fiche de poste.
  • Organiser des défis inter-services : événements de type hackathon où des équipes mixtes travaillent sur des problématiques transverses. À Carouge, des ateliers collaboratifs réunissent régulièrement des employés de divers services et niveaux hiérarchiques autour de l’évolution du fonctionnement de l’administration.

Le manque de temps et de ressources dédiées

La participation est souvent perçue comme une charge supplémentaire plutôt qu’un investissement. La pression temporelle est souvent le principal obstacle à l’engagement dans des démarches participatives. Il est possible de s’organiser pour faire émerger ces espaces de co-construction :

  • Encourager le temps d’innovation : soutenir ces initiatives au niveau institutionnel et valoriser le temps consacré par les collaborateurs lors des évaluations annuelles.
  • Implémenter des méthodes agiles allégées : adaptation des techniques agiles spécifiquement conçues pour le contexte administratif, permettant de cibler véritablement les efforts fournis.

Une culture managériale en transformation profonde

Favoriser la participation et décloisonner les pratiques suppose une évolution du rôle des cadres. Il ne s’agit plus seulement de piloter, mais de faciliter, d’animer, de créer les conditions d’un dialogue fertile entre tous les niveaux de l’administration. Cela passe par :

  • La reconnaissance des savoirs issus de l’expérience : les cadres intermédiaires qui consacrent une part significative de leur temps à l’écoute active du terrain observent une amélioration tangible dans la pertinence des décisions prises.
  • L’ouverture à l’expérimentation, même imparfaite : les services administratifs qui acceptent explicitement un droit à l’erreur dans leurs processus d’innovation verront augmenter significativement le nombre d’initiatives proposées par leurs équipes.
  • Le temps et les ressources alloués à la coopération : les administrations doivent réserver formellement du temps de travail aux projets transversaux et participatifs. Pour cela, les cadres concernés doivent être en mesure de réorganiser la charge au sein de leurs équipes pour permettre cette implication.

Ce n’est pas une révolution brutale, mais une évolution culturelle profonde – vers plus d’écoute, d’agilité et de responsabilité partagée qu’il faut viser.

Feuille de route pour amorcer la transformation participative

Pour les administrations publiques souhaitant s’engager dans cette voie, voici une approche progressive en 5 étapes, basée sur les retours d’expérience des collectivités pionnières :

  1. Diagnostic participatif : évaluation collective des freins spécifiques à l’organisation, impliquant tous les niveaux hiérarchiques. Cette phase permet d’identifier les irritants prioritaires et de créer une vision partagée des changements à opérer.
  2. Expérimentation ciblée (3–6 mois) : sélection de 2–3 projets pilotes où la démarche participative peut démontrer rapidement sa valeur ajoutée. Les administrations ayant suivi cette approche obtiennent un meilleur taux d’adhésion après présentation des premiers résultats concrets.
  3. Formation et outillage (continu) : développement des compétences en animation, gestion agile d’initiative et intelligence collective. Ces compétences sont centrales pour déployer efficacement une stratégie d’innovation publique.
  4. Adaptation structurelle (si besoin) : révision progressive des structures hiérarchiques, processus, modalités de pilotage et allocation des ressources pour soutenir les pratiques participatives.
  5. Ancrage : diffusion des pratiques à l’ensemble de l’organisation, documentation des apprentissages et célébration des réussites.

L’innovation publique à hauteur humaine

Innover par la participation, c’est construire une administration qui s’autorise à apprendre, à douter, à tester – et surtout à écouter. C’est passer d’un modèle de prestations “pour” à des politiques publiques “avec”.

Les défis sont nombreux, mais les exemples suisses montrent que cette dynamique est non seulement possible, mais porteuse de transformations concrètes et durables. À condition de libérer les énergies, de faire confiance au terrain… et d’oser, collectivement, faire autrement. La participation n’est pas une mode passagère, mais bien une réponse structurelle aux défis complexes auxquels font face nos administrations publiques. Elle permet de réconcilier l’exigence d’efficience avec l’aspiration à une administration plus humaine, plus proche, plus pertinente.

5 étapes pour amorcer la transformation participative dans l’administration publique :
  1. Diagnostic participatif : évaluation collective des obstacles organisationnels.
  2. Expérimentation ciblée : mise en place de projets pilotes pour tester la méthode.
  3. Formation continue : développement des compétences en intelligence collective.
  4. Adaptation structurelle : révision progressive des processus hiérarchiques.
  5. Ancrage : diffusion des pratiques participatives à toute l’organisation.

Réconcilier l’exigence d’efficience avec l’aspiration à une administration plus humaine, plus proche, plus pertinente.

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FAQ

  1. Pourquoi la participation des citoyens est-elle importante ?
    La participation active permet d’améliorer la pertinence des services publics et renforce la légitimité des décisions prises par les administrations.
  2. Comment surmonter les résistances à la participation dans les administrations publiques ?
    Il est crucial d’instaurer des espaces de dialogue transverses et de favoriser des pratiques comme le reverse mentoring et les boîtes à idées.
  3. Quels sont les principaux freins à une culture participative dans l’administration ?
    Les obstacles majeurs incluent la structure hiérarchique traditionnelle, la culture du risque zéro, et le cloisonnement des expertises.

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