Ad Valoris s’entretient avec Thierry d’Autheville, directeur général du groupe PARKGEST

Pourquoi ce décideur aussi créatif que rigoureux, a-t-il interrompu sa carrière internationale pour se consacrer à une PME engagée au service à la population ? Thierry d’Autheville nous répond à brûle-pourpoint sur ses motivations et les choix qui l’ont conduit au succès de sa stratégie de développement.

Ad Valoris : Pourquoi avoir parié sur une PME, alors que votre parcours vous prédestinait aux grands réseaux ?

Thierry d’Autheville. J’ai rejoint PARKGEST en 2011, après 5 ans d’activité au sein du groupe KPMG en qualité d’auditeur, puis 15 ans au service de l’industriel Caterpillar.

L’appel d’un nouveau défi professionnel a été le plus fort lorsque l’opportunité s’est présentée de m’engager auprès d’une structure à taille humaine, dont je pourrais faire évoluer et la chaîne de valeur, et la croissance. Je suis passé d’une organisation de 150 000 personnes et USD 45 milliards de chiffre d’affaires, à une PME de 25 personnes en un WE !

Je n’ai pas eu à regretter ce choix, soutenu par un conseil d’administration conscient des enjeux sociétaux de cette première partie du XXIe siècle.

Quelle stratégie avez-vous adoptée lors de votre prise de fonction ?

Nous avons fixé deux objectifs : faire de PARKGEST l’un des acteurs leaders à Genève, mais aussi un investisseur significatif sur l’Arc lémanique, voire en Romandie. J’ai mis en œuvre une première stratégie quinquennale (2012-2016) — par ailleurs suivie de deux autres (2017-2022 & 2023-2028).

Pour ce faire, nous avons procédé à une analyse approfondie du marché, incluant les perspectives du secteur face à l’évolution de la mobilité, de l’urbanisme, des politiques environnementales et industrielles. Nous avons engagé notre réorganisation interne sous la forme d’une direction opérationnelle dédiée à la gestion quotidienne et d’une structure administrative responsable de l’harmonisation des entités du Groupe. Nous avons également renforcé nos liens avec plusieurs instances gouvernementales et professionnelles.

De là est né un document méthodologique répondant transversalement aux problématiques identifiées. Sur le terrain, j’ai souhaité capitaliser sur notre excellent savoir-faire, avec pour projet d’enrichir progressivement « l’expérience utilisateur ».

Parallèlement, nous avons entrepris la valorisation de la marque PARKGEST, alors sans réelle résonance, pour en faire un label de qualité. Une nouvelle identité visuelle du groupe a été conçue ainsi que le lancement d’un magazine en ligne, dédié à notre actualité et au sujet de la mobilité.

Le pari a été gagnant et : nous avons non seulement créé une certaine affinité avec nos publics, mais également pu démontrer notre maîtrise de la gestion pour tiers, la qualité de nos espaces publicitaires et nos efforts dans le développement de nouveaux services. PARKGEST est né de la construction du Parking sous-lacustre du Mont-Blanc en 1972, une prouesse technique à l’époque. Notre choix d’un outil de communication aspirationnel et transparent incarne notre culture de l’innovation, dans un métier conservateur.

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Quel type d’organisation avez-vous mis en place pour administrer le quotidien parallèlement au déploiement de votre stratégie ?

À mon arrivée, j’ai découvert une entreprise solide, propriétaire de deux parkings (Mont-Blanc et Villereuse) et qui gérait en plus trois parkings tiers (Arcades, Rayes, Kempinski).

Ma première préoccupation a été de bien comprendre la structure juridique du groupe et de ses sociétés, mais aussi leurs états financiers respectifs, et leurs trois domaines d’expertise : l’accueil des usagers dans nos parkings, la location d’espaces publicitaires et la gestion d’ouvrages pour tiers.

Depuis, j’ai régulièrement revu notre organisation pour accompagner harmonieusement sa croissance ; je privilégie dorénavant une approche « projet » transversale, héritée de ma propre expérience de « 6 Sigma black belt » mais adaptée à l’environnement PME. Je me suis appuyé sur les standards du Project Management Institute (PMI), en combinant une démarche traditionnelle avec des méthodologies agiles.

Avez-vous développé l’activité de gouvernance ?

Nous avons réalisé un travail de fond en matière de gouvernance, notamment sur le management des risques, jusqu’à élaborer deux plans de continuité des activités (PCA), qui ont bien fonctionné lors des crises sanitaires et énergétiques. Pour cela, nous avons effectué la catégorisation des risques (conformité, financier, capital, systèmes…) suivi de l’analyse des risques bruts puis la mise en place de processus de mitigation pour identifier les risques nets.

Prendre la tête d’une entreprise, c’est se faire adopter par elle. Comment avez-vous piloté le changement avec les collaborateurs en place ?

Je possède, par ma formation et mes expériences professionnelles, une bonne appréhension de la gestion du changement. Pour moi, il était essentiel de préserver les équipes existantes et de ne pas risquer de déficit organisationnel.

J’ai cependant recouru à des d’outils psychométriques pour comprendre les modes de fonctionnement de chaque collaborateur et harmoniser les équipes. Cette approche efficace m’a permis d’améliorer significativement la cohésion interne.

Nous avons investi du temps et des moyens dans le recrutement de talents répondant à nos besoins, et entrepris la construction de notre « marque employeur » via des formations spécifiques, par exemple avec l’Académie Suisse de sécurité, afin que les employés.es adhèrent à la vision du Groupe, au travers du soin qu’on leur apporte. Ceci a été fait par le biais d’une externalisation ciblée des ressources humaines.

Quelle est la situation du marché dans l’industrie du parking ?

Aujourd’hui, notre portefeuille est passé de 5 parkings à 17, avec un réseau proposant un total de 8 200 places de stationnement. En 2023, nous avons enregistré environ 2,5 millions de mouvements de véhicules et accueilli près de 4 millions d’usagers.

Nous évoluons dans un espace concurrentiel où la majorité des parkings est sous le contrôle de l’État ; premier écueil lorsque je suis arrivé, la Fondation des Parkings, propriété du canton, mentionnait les parkings de la concurrence dans son site Internet, y compris ceux de PARKGEST, ce qui entravait notre référencement en ligne. Nous avons résolu ce problème et avons cherché à nous positionner sur des segments spécifiques de la gestion en nous adressant notamment aux communes et aux promoteurs de programmes immobiliers privés. Cette approche nous a fixés en alternative agile, ce qui est sain pour le marché et nous a permis de gagner de beaux projets tels que le quartier de l’Étang. PARKGEST est désormais bien implanté dans ces segments et nous recevons régulièrement des demandes de la part de clients potentiels.

La création de l’étage XXL au parking du Mont-Blanc, votre navire amiral, a marqué une première en Suisse. Quelles raisons vous ont poussées à risquer cette innovation ?

L’aventure « XXL » a débuté avec deux constats : une diminution de la fréquentation due aux évolutions de la multimodalité et l’augmentation de la largeur moyenne des véhicules au cours des dernières décennies (11 % d’embonpoint de la VW Golf I à la génération VIII). Nous avons alors décidé de privilégier le confort des usagers en créant un étage XXL offrant des places individuelles de 3,50 m de large, les plus spacieuses de Suisse. L’espace supplémentaire facilite les manœuvres, les mouvements autour de la voiture, le débarquement et l’embarquement des passagers et des objets ; tout cela en minimisant les risques de chocs sur la carrosserie. Le succès fut immédiat, car il répond aussi bien à une réalité technique qu’aux priorités des clients.

Selon vous, l’intelligence artificielle représentera-t-elle un progrès pour votre secteur d’activité et quels sont les principaux défis de votre industrie, en général ?

Elle constituera une valeur ajoutée significative pour gérer les flux de circulation à la fois dans les parkings et dans l’espace public, ainsi que pour optimiser les offres de stationnement et les services disponibles. Nous assisterons à la disparition de nombreuses places de stationnement en surface au profit de la piétonnisation, de la désimperméabilisation et de la végétalisation des espaces publics, tout en maintenant des zones pour la logistique des commerces. Les parkings en ouvrage continueront d’accueillir les véhicules. Notre défi est d’accompagner l’évolution de la mobilité, avec des services innovants faisant de nos parkings, plus que des parkings.

Si vous disposiez d’une baguette magique, quel progrès souhaiteriez-vous réaliser ?

Je l’utiliserais pour renforcer le réseau par rails, en particulier les tramways. Ce mode de transport est souvent plus rapide et plus écologique que les autres moyens de locomotion.

Et tant qu’à faire, je l’agiterais également pour promouvoir un retour à quelques valeurs fondamentales de civisme, afin de favoriser une meilleure cohabitation des usagers dans notre espace restreint.

« Notre défi est d’accompagner l’évolution de la mobilité, avec des services innovants faisant de nos parkings, plus que des parkings. »

Thierry d’Autheville